Léopold Sédar Senghor que j'admire beaucoup a choisi de baptiser le mouvement qu'il venait de créer avec un certain nombre de ses amis dont Césaire : la négritude , on les voulait "nègres" ils en revendiquaient le nom. Voici un beau poème de Senghor tiré des "lettres d'Ermitage", courrier adressé à sa normande tandis qu'il restait aux commandes au Sénégal
TON SOIR MON SOIR
Ton soir, mon soir, à la fin de l’après-midi
Ton thé mon rêve, quand la pensée dérive et que délire
l’âme.
De la haute terrasse, le parc à mes pieds flamboyant et la
mer et Gorée
Et devant toi, les vagues bruissantes des blés sur le
versant des terres hautes.
Devant moi le silence humide, et seul le froissement soyeux
des vagues
Soudain traversé par la trompette des grues
couronnées
Qui s’appellent avant la nuit. Le jour conjure les dieux
blancs des ténèbres
Le jour tressaille sur les murs blancs terrasses blanches de l’île
Avec le concert splendide des oiseaux au crépuscule.
Regarde la nuit descend sur Gorée, de vieux rose vêtue comme
les signares jadis
A l’entrée du Grand Bal. La nuit descend sur l’île douce, où
s’allument les lampes.
Sur la mer dans le port, s’allument les bateaux longs de
tous bords
Le cargo de Glasgow, le minéralier de Yokohama, le tanker scandinave de trois cent mille tonnes
Long comme un autodrome, où l’on circule à bicyclette, et
son château est un kiosque à musique
S’allument tous mes désirs de vacances en partance
Mais toujours au couchant, saigne mon cœur sous la flèche
des Almadies.
Quand parmi les rosiers, tu songes tu le dis au
Prince noir
Comme faisait la Signare à son Enseigne en allé, parti
perdu.