Alors là je ne connaissais pas du tout vu Vendredi soir dernier, sur Arte, dans l’émission 28 Minutes,.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]Crétin des Alpes ! Voilà une injure rendue célèbre par le capitaine Haddock, qui n’est pas sortie de nulle part.
Si, jusque vers le milieu du XIXème siècle, vous aviez croisé, à la nuit tombée, dans les Alpes, un être bizarre de petite taille, au visage gonflé prolongé par un goître profond parfois aussi gros qu’un ballon de rugby, marchant « en canard », émettant des sons rauques partiellement inintelligibles, ce n’était ni un dahu ni le yéti de « Tintin au Tibet » mais probablement un véritable… crétin des Alpes.
Ces êtres ont réellement existé. Leur disparition intervient après la découverte, par un médecin de la vallée de Zermatt, en Suisse, de l’action magique d’un remède à base…entre autres bizarreries, d’extraits d’éponge.
C’est ainsi, et à partir de substances naturelles, que fut découverte la relation entre l’oligo-élément « iode » et cette maladie que l’on nomme myxoedème.
Il n’y a pas que dans les Alpes !
Vous pourriez aussi avoir rencontré ce genre de crétins, jusqu’au début du XXeme siècle, aux États-Unis dans la région des Grands Lacs, celle des Montagnes Rocheuses, la Cordillère des Andes. En Europe, vos chances se trouvaient du côté de la Forêt-Noire, de la Suisse, de l’Autriche, en Norvège, dans l’Oural, en Écosse, au Pays de Galles et en Espagne. En France, c’était dans les Alpes, les Pyrénées, les Vosges, le Jura et le Massif Central qu’il fallait les chercher.
Cette maladie persiste encore, de nos jours, dans quelques régions du monde, en moyenne montagne, dans les hauts-plateaux, les vallées profondes de hautes montagnes, en Afrique et en Asie centrale.
Ainsi, les voyageurs qui s’aventuraient dans les vallées alpestres rapportaient le souvenir de paysages grandioses et des visions inquiétantes : celles des crétins et des goitreux. De pauvres hères qui ont subi un terrible dysfonctionnement de la thyroïde en raison du manque d’iode dans ces terres reculées.
L’Etat se désintéressait de leur sort. Certains iront même les placer en dessous de l’animal. Un médecin de l’époque écrit dans sa thèse :
« Le crétin est de petite taille et son infantilisme se poursuit longtemps. Le front est bas, le faciès souvent ridé, la mimique inexpressive. Quant à l'état mental, il va de l'idiotie jusqu'à l'arriération simple, suivant les cas. »
En 1790, un auteur allemand, un certain Ackermann , émit l'hypothèse que les crétins seraient une sorte de «sous-race humaine».
Toujours à la fin du XVIIIème siècle, le Genevois Horace-Bénédicte de Saussure a eu également la plume lourde :
«Les crétins produisent au plus haut degré ces impressions douloureuses, parce qu'à l'imbécillité ou à l'absence totale des facultés intellectuelles, ils réunissent la figure la plus hideuse et la plus dégoûtante.»
Le philosophe allemand Arthur Schopenauer y va aussi de son couplet lors d'un voyage vers Chamonix :
«Il est tout à fait singulier que ces hommes qui sont inférieurs aux animaux, sourds, muets et hébétés, aient sur leur visage l'expression d'une jubilation triomphante et sauvage.»
Victor Hugo est allé traîner ses guêtres dans la montagne du Rigi, près de Lucerne. Dans un coin, se tenait un « crétin ». Monsieur Hugo est choqué que l’homme se montre indifférent à sa personne et surtout ne le reconnaisse point. Vexé, il le renvoie au néant en quittant cette montagne et en se rengorgeant de sa propre normalité. Il écrira en 1839 :
«Les Alpes font beaucoup d'idiots.