Au Moyen Âge, le château assure la sécurité du seigneur. Il est adapté aux moyens de la poliorcétique d’alors, catapulte et boulet de pierre, tour mobile... La cité, semblablement fortifiée, est une place forte. Laon en est une de renom jusqu’à la veille de la Première Guerre malgré l’évolution d’un armement de siège de plus en plus puissant.
Laon, une place forte renommée
Au VIe siècle, elle est surnommée par Grégoire de Tours "Lugdunum clavatum", "Laon fermée à clé". Sur la butte, surplombant la plaine environnante de 100 mètres, avec des versants abrupts et découverts, avec des remparts élevés et adossés au sommet de la butte qui sert de puissant contrefort et interdit toute brèche, Laon est réputée imprenable. Elle sert de refuge aux "grands". La reine y a son palais. Les rois carolingiens au Xe siècle y demeurent. Les moines des abbayes environnantes viennent s’y abriter. Seule la trahison permet à l’ennemi d’investir la ville : en 991, Hugues Capet se rend maître du dernier Carolingien à Laon grâce à la trahison de l’évêque Adalbéron.
Jusqu’à la fin du XIIe siècle, seule la moitié Est de la ville est entourée d’une enceinte. Au XIIIe siècle, sous l’impulsion de Philippe Auguste, la moitié Ouest l’est également. Au total, 6 000 mètres de remparts bien conservés et les imposantes portes militaires témoignent encore de ce remarquable site défensif.
La guerre de Cent Ans entraîne un bond en avant dans l’art du siège avec "la révolution du boulet", due aux frères Bureau : c’est la mise au point du boulet de fonte propulsé par le canon. Le château fort est dépassé. Laon s’adapte. La municipalité renforce les remparts par des tours à canon, de larges et profonds fossés. Ainsi, lors des guerres de religion, en 1594, la place peut résister au siège mené par Henri IV. La citadelle que ce roi fait édifier à la pointe Est de la butte pour surveiller la ville ligueuse, rebelle, accentue en réalité l’aspect de place forte. Pendant la guerre de Trente Ans, les Espagnols ravagent la campagne mais pas la cité. Mazarin et Anne d’Autriche y établissent leur quartier général en 1653.
Vue de la place de Laon, du côté du midi, gravure de Jansénius, 1654
La place forte de Laon est déclassée sous Louis XIV
Pourtant, peu après, les traités de paix successifs éloignent la frontière Nord de la France. Laon devient une ville de l’intérieure et n’intéresse pas Vauban dans la constitution du "pré carré". Comme en outre, au XVIIIe siècle, la France ne connaît pas la guerre sur son territoire, en 1791 l’Assemblée constituante, dans son "Ētat des places de guerre", ne classe pas Laon : Laon n’est plus place forte. Mais elle devient ville de garnison avec une première caserne construite en 1783-1788 à la pointe Ouest de la butte.
Laon redevient place forte au XIXe siècle
La situation se renverse en mars 1814. Lors de la Campagne de France, le général prussien Blücher s’enferme dans Laon pour échapper à Napoléon 1er qui l’assiège mais échoue. Cette "bataille de Laon" révèle à l’Empereur, grand stratège s’il en est, les atouts de cette ville-refuge, toujours imprenable grâce à son site, et ville-stratégique, par sa situation, rempart ultime protégeant Paris d’une invasion venant du Nord ou de l’Est. En juin 1815, en route vers Waterloo, l’Empereur passe par Laon, décide de nouvelles fortifications. Au retour, il n’hésite pas à y laisser 2 000 soldats pour protéger sa retraite.
Sous la Restauration, le général Haxo, proche de Napoléon, devient inspecteur général des fortifications. Il s’intéresse à son tour à Laon, d’autant plus que par le deuxième traité de Paris, la France perd les places de Philippeville et Mariembourg : la frontière est ainsi ouverte entre Sambre et Meuse. En 1821, Laon redevient place forte. Son enceinte est restaurée. Une deuxième caserne est installée à la citadelle. Au total, la petite ville abrite 1 500 soldats. Une contradiction apparaît. La troupe consomme beaucoup et stimule l’économie locale, mais le fait d’être place forte impose des servitudes, interdit toute construction jusqu’à un kilomètre au-delà des remparts, et donc entrave son développement.
Plan du système Séré de Rivière (site de l’Association pour la restauration du fort d’Uxegney et de la place d’Ēpinal)
Cette inquiétude ne dure pas. En 1851, Laon est à nouveau déclassée. L’Ētat-major la considère inutile : il estime les nouvelles fortifications parisiennes suffisantes pour défendre la capitale.
Après 1871, la France se prépare à une guerre de revanche contre l’Allemagne. Laon est intégrée au système Séré de Rivières constitué d’un ensemble de lignes défensives composées de nombreux forts et places fortes. C’est une véritable "ceinture de fer" face à la menace allemande. L’arc La Fère-Laon-Reims est la dernière ligne avant Paris. Laon est à nouveau place forte avec des forts avancés et compte trois casernes.
Un déclassement définitif tragique ?
Toutefois, l’armement évolue vite. En 1885, l’invention de l’obus à la mélinite nécessite une reconstruction coûteuse de tous les forts. Seuls ceux de l’Est de la France sont modernisés. Pour l’Ētat-Major, la place de Laon comme celles du Nord n’en vaut pas la peine. Elle est même, une fois encore déclassée, en avril 1914 ! La « ceinture de fer » n’existe plus. La faille dans le système de défense français est évidente : le Nord du pays est militairement dégarni. Dès 1899, dans d’excellents rapports prémonitoires, le général Béziat prévoit que de ce fait les Allemands passeront par la Belgique sachant qu’ils ne rencontreront pas de résistance. Il n’est pas écouté. En août 1914, le plan Schlieffen est appliqué : l’armée allemande n’attaque pas à l’Est où l’armée française est massée mais pénètre en Belgique puis en France par le Nord pour se précipiter vers Paris.
Ainsi, avoir négligé le rôle stratégique de la place de Laon et de la ligne La Fère-Laon-Reims est une des causes du déclenchement de la Première Guerre mondiale.
Vous m'épatez Claire