La restauration agitée de la Sainte Anne de Vinci Le chef-d'œuvre de Léonard de Vinci en cours de restauration, au Centre de recherche et de restauration des musées de France.
Après des débats passionnés sur les travaux de restauration la concernant, la Vierge à l'Enfant avec Sainte Anne de Leonard de Vinci, retrouve le Louvre à travers une exposition exceptionnelle. En 1850, on déplorait déjà les repeints qui mouchetaient le manteau
bleu lapis-lazuli de la Vierge. On finissait par ne plus voir que cela.
En 1990, on décida de les traiter avant de reculer sous la pression de
ceux qui redoutaient une atteinte à la matière picturale, si fine, de Léonard de Vinci. Depuis, on avait décelé des soulèvements de cette couche autographe tirés par le vernis. À terme,
la Sainte Anne risquait d'être irrémédiablement défigurée. Il fallait agir. C'était
désormais possible puisque la technique, les solvants et les instruments
de contrôle venaient de s'améliorer considérablement. Le Centre de
recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) a analysé
l'œuvre et l'opération a été lancée.
Aujourd'hui, miracle, les
vilaines taches ont disparu. En même temps, le paysage s'est
considérablement approfondi. Des lignes de montagnes sont réapparues, et
même, entre deux, un petit village. Ce désert primordial était donc
habité, comme dans
La Joconde ! Mais le plus
épatant est la place rendue à l'eau dans cette atmosphère que l'on
croyait surtout minérale. Symbole de pureté et miroir de l'élan vital,
elle cascade au loin ou se forme en lacs tranquilles, embrasse toute la
sainte Famille, allant jusqu'à baigner le pied d'Anne, voire celui de sa
fille.
Au premier plan, des détails comme la transparence
virtuose des manches de la Vierge, la couleur rouge violacée de sa robe,
les boucles auburn du petit Jésus ou la coiffe complexe d'Anne ajoutent
au charme. Mais les visages, plus éclairés, semblent moins modelés. Et
les silhouettes se découpent plus franchement dans l'atmosphère.
L'option la plus douceLes
vingt membres de la commission scientifique chargée de surveiller les
travaux craignaient ce léger et redoutable déséquilibre d'ensemble car
l'harmonie atteinte par Léonard dans la
Sainte Anne grâce à son fameux
sfumato est
l'essentiel de son propos. Deux ont démissionné, dont Jean-Pierre
Cuzin, ancien directeur du département des peintures du Louvre. De son
côté, Vincent Pomarède, en charge des peintures au Louvre, a arbitré des
débats passionnés et a tranché pour une option que la majorité juge la
plus douce. «Nous sommes passés d'environ 30 microns d'épaisseur de
vernis à en moyenne 8 à 10 microns. Mais pour le visage de la Sainte
Anne nous sommes au-dessus, autour de 12 microns, précise-t-il. Cela
permet de conserver une patine tout en ravivant les couleurs.» Le
résultat est là, livré à l'appréciation des prochains siècl
es .