Voilà c'est trouvé ,
Jean l'aveugleParmi les alliés de la France se trouve Jean Ier de Luxembourg, roi de
Bohême : âgé de 50 ans, ce parangon de prudhommie, dont la devise est
Je sers,
a oeuvré toute sa vie comme un chevalier errant digne de la légende
arthurienne, et jouit d'un grand prestige en Europe, malgré un idéalisme
qui lui a souvent fait commettre des folies (notamment financières). Il
a écumé les routes, soumis son corps à d'inhumaines chevauchées, lutté
dans d'innombrables tournois, tenté de réaliser de grandes utopies
politiques...
Mais depuis 1340, Jean de Luxembourg est aveugle : qu'importe, il a tenu
à livrer bataille aux côtés de son allié de toujours, le roi de France.
Sur la plaine, il commande un groupe de chevaliers, et apprenant que la
bataille tourne mal, il déclare aux hommes qui l'accompagnent :
« Seigneurs, vous êtes mes hommes, mes amis et mes compagnons. En cette
présente journée, je vous prie et vous requiers très expressément que
vous me meniez assez avant pour que je puisse donner un coup d'épée »
[1].
Le roi aveugle lie sa bride à celle de son écuyer, et tous ses gens
lient leurs chevaux les uns aux autres : la troupe ainsi unie se porte
au combat avec vaillance, au mépris du danger.
Aux environs de minuit, après de longues heures de sanglants combats et
16 charges successives de la chevalerie française, la bataille s'achève :
1500 chevaliers sont morts, de même que des milliers de fantassins et
d'arbalétriers, tandis que les anglais n'ont subi que des pertes
négligeables. Jean de Luxembourg, le roi aveugle, le chevalier errant
idéaliste et exalté, a lui aussi trouvé la mort. Tous ses compagnons
gisent également à ses côtés sur le champ de bataille, après une charge
aussi héroïque qu'inutile.