Bonsoir Rosie
Bonsoir tout le monde
(Le petit orgue anonyme de Costa, début XIX° s.)
LES ORGUES HISTORIQUES DE CORSE
Un patrimoine insulaire pour l’Europe
La Corse, décidément, peut nous surprendre : cette île si faiblement peuplée, trop souvent malmenée par les conflits fratricides, les agressions extérieures, aurait pu ne laisser de son paysage culturel qu’une identité exsangue, morcelée. Or ce peuple de montagnards, bergers et notables confondus, a légué un riche patrimoine aux multiples facettes, qui témoignent en particulier de son sens inné de la musique : le chant –qu’il soit ou non polyphonique, religieux ou profane- tient une part primordiale dans sa vie, mais aussi la musique instrumentale. Parmi tous les instruments populaires en Corse, invités à toutes les fêtes, cialambele, pirule, cetere, violons, cornemuses, mandolines, accordéons, guitares…pour n’en citer que quelques uns, on est étonné de trouver sur l’île un tel engouement pour l’orgue, non seulement dans les villes, mais aussi dans les villages de l’intérieur : on peut du reste penser que les organistes de village avaient la même relation instinctive et passionnelle avec leur orgue que les violoneux du village avec leur violon… Aujourd’hui la Corse est riche d’une centaine d’orgues historiques dont l’histoire et la facture nous sont mieux connues grâce aux travaux de recherche de Renaissance de l’Orgue Corse et au remarquable ouvrage de Sébastien Rubellin : « L’orgue corse de 1557 à 1963 » (éditions Alain Piazzolla).
L’Italie a définitivement, là aussi, marqué de son empreinte la Corse, et les orgues, dès leur apparition (au 16ème siècle, aujourd’hui disparus) seront de facture italienne, avec diverses influences de la Péninsule : toscane, ligure, lombarde, romaine…Le seul orgue du 17ème siècle chante aujourd’hui à Piedicroce. Au 18ème siècle, sur les 66 orgues recensés, 36 se trouvaient dans des couvents ! Le 19ème siècle connaîtra une véritable « épidémie » organistique née de l’émulation entre communautés et verra même la naissance d’un atelier de facture d’orgue « italo-corse » dans le village de Speloncato en Balagne avec la famille des Saladini… A cette époque, la Corse est devenue française, mais reste jusqu’à la fin du 19ème siècle de culture italienne et l’on continue, en les faisant évoluer au goût du jour, de construire des orgues italiens.
Dans la Corse du Nord, plus prospère, la concentration et la qualité de ces petits orgues corses passionnera l’amateur. Le Sud, bien que plus pauvre, offre cependant aussi quelques beaux instruments, dont l’orgue Cavaillé-Coll de la Cathédrale d’Ajaccio qui en fait une exception française remarquable. Les orgues de Corse, dont une partie non négligeable a fait l’objet de restaurations à l’identique, protégés ou non au titre des Monuments Historiques, sont dans leur ensemble de taille modeste et à la mesure de l’église qui les abrite et de la bourse peu garnie des communautés concernées: un clavier unique de 45 ou 50 touches, avec la première octave courte, une coupure au milieu (au do ou, plus tardivement au fa), pour faire chanter sur le dessus un Cornetto, une Voce Umana, et plus tard les jeux d’orchestre, un « Ripieno » (plenum) à rangs décomposés très lumineux, servant admirablement la polyphonie, parfois un Nazardo, souvent une Flauto à l’octave, un petit pédalier rudimentaire, quelques accessoires (Rossignol, Tamburo)… Le tout logé dans un buffet parfois très élégant et souvent installé sur une étonnante tribune construite et décorée avec beaucoup de goût et de créativité…
Amicalement
Jean-Yves