Un petit conte de noël ardennais .

On ne sait pas vraiment comment toute cette histoire commença mais par une nuit froide, immobile, une nuit d’attente, le renardeau et les peuples de la grande forêt des Ardennes avaient été réveillés, prévenus par un message inscrit dans le ciel, un murmure, doux comme une berceuse, entrelacé dans les scintillements d’un astre bien étrange, apparu là-haut, tout là-haut. Dans cette lumière flottait un vent léger aux délicates et exquises senteurs d’Orient, une brise au subtil parfum de sable, de fleurs et d’épices. C’était comme un appel silencieux au milieu des frimas des sous-bois… Alors, dans le secret le plus absolu, le renardeau, missionné par tous, a entrepris le plus fou des voyages, il a quitté ses fourrés craquants de givre, il a franchi les siècles, traversé les mers du temps et les océans de l’éternité, parcouru des milliers de lieues, bravé des dangers innombrables, le cœur toujours vaillant, guidé par l’étoile… Personne, chez les hommes, ne l’a vu, personne ne l’a su, personne n’en a parlé, son aventure n’est mentionnée dans aucun livre, aucune chronique, aucun cantique… Mais ce que je peux vous assurer, sur la foi du serment, c’est que le renardeau était là, ce soir là, au terme de son voyage… et je peux vous affirmer qu’il l’a vu, « Lui »… qu’il a senti sur le petit bout de son petit museau de petit renard ému, bouleversé au-delà du possible, le souffle léger de ce tout petit nouveau né… Un enfant de pauvres gens, si pauvres, sans logis, errants dans la nuit, chassés de partout, ô mes amis toutes ces portes closes comme des murs de ténèbres, tous ces refus durs et froids, tous ces cœurs rouillés et verrouillés… Après tout, cet enfant n’était rien, rien qu’un petit peu de vie, un souffle, oui, presque rien, presque personne au creux de l’obscurité… Dans l’abîme des siècles à venir, qui se souviendrait encore de lui, qui même retiendrait son nom ? (Texte et dessin Alain Sartelet)