Michel Boisjoly
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| Sujet: Cahier de doléances Dim Mar 10 2019, 19:02 | |
| Quatre-vingt-douze feux composent toute notre paroisse ; 700 personnes de tout sexe, de tout âge : voilà à peu près le nombre de ses habitants qui sont tous attachés à la glèbe. Situés à sept lieues de la rivière, éloignés des grandes routes et de la ville de plus de 3 lieues, ne pouvant avoir de communications que par des chemins impraticables, rien ne peut exciter leur industrie... Seize laboureurs, s'il est permis de nommer ainsi 8 ou 9 d'entre eux qui n'ont pour tout attelage que deux faibles chevaux, retournent toute l'année avec peine une terre ingrate à laquelle ils ne peuvent même donner les engrais nécessaires et dont le produit annuel est tout au plus de 3 pour 1. C'est cependant sur ce faible produit que le cultivateur est obligé d'acquitter ses redevances...
Plus affligeante encore est la condition du manoeuvre pour qui chaque jour de pluie est un jour de disette; qui, courbé vers la terre du lever au coucher, ne peut arracher de son sein que le morceau de pain noir qui le soutient jusqu'au lendemain. Qu'on lui suppose une famille dans l'enfance, quels sont les moyens pour l'élever ? Que la vieillesse engourdisse son bras, quel est son appui ? Hélas ! il n'a d'autre ressource que de tendre ses mains durcies par le travail...
Tel est le sort des suppliants. Ils n'ont pour tout bien que le faible prix de leur journée.Sur cette somme médiocre ils doivent prélever leurs impositions. Que leur reste-t-il pour subvenir à leur entretien, pour payer le sel, cet autre genre d'imposition si cruelle...Les autres tiennent des vignes en propriété ou à loyer. Ceux-ci sont souvent plus malheureux que les premiers. A peine leur récolte faite, ils sont pressés de toute part... Il faut de l'argent pour acquitter les dettes de l'Etat. Il faut de l'argent, oui, pour solder les appointements énormes de 100.000 employés... Il faut vendre ou plutôt donner ses denrées à vil prix pour payer la taille, la capitation, les dixièmes, les corvées, les redevances, pour acquitter les dettes qu'on a été forcé de contracter. |
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