Dès le matin j’entends sous ma fenêtre des ouvriers. À peine le jour commence-t-il à poindre qu’ils ont la bêche a la main, qu’ils coupent la terre et roulent la brouette. Ils mangent un morceau de pain noir ; ils se désaltèrent au ruisseau qui coule : à midi, ils prennent une heure de sommeil sur la terre ; bientôt ils se remettent à leur ouvrage. Ils sont gais ; ils chantent ; ils se font entre eux de bonnes grosses plaisanteries qui les égaient ; ils rient. Sur le soir, ils vont retrouver des enfants tout nus autour d’un âtre enfumé, une paysanne hideuse et malpropre, et un lit de feuilles séchées, et leur sort n’est ni plus mauvais ni meilleur que le mien… Vous avez éprouvé l’une et l’autre fortune : dites-moi, le temps présent vous paraît-il plus dur que le temps passé ?…
Denis Diderot
Lettres à Sophie Vollant .